A propos du Niger...
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Vous avez été informés des enlèvements qui ont eu lieu a arlit dans le Nord du Niger, là où Areva exploite deux mines d'uranium. Ces événements créent un climat difficile dans les populations du Niger et dans le personnel européen de l'Eglise du Niger qui ont du obéir aux ordres du consul et quitter des régions dangereuses. Ces départs ne sont pas vécus par les intéressés de gaieté de coeur. Ils sont l'impression d'abandonner le peuple au quel ils avaient consacrés leur vie. Seules quelques personnes européennes sont concernées, car le reste des postes de missions sont maintenant sous la responsabilité de prêtres ou de religieuses africains. Dans sa lettre, l'évêque veut informer d'une manière claire et surtout donner des éléments de réflexion, en particulier en comparant notre situation avec celle des moine de Tibirinne. Voici cette lettre:
De la part de MONSEIGNEUR MICHEL CARTATEGUY, ARCHEVËQUE DE NIAMEY Le 27.09.2010
A tous les amis de l’Eglise du Niger,
Encore une fois, les médias parlent du Niger suite aux enlèvements de 7 expatriés à Arlit dans le Nord du pays. L’Ambassade de France a demandé à tous les Français vivant dans la « /zone rouge/ » de revenir à Niamey où tout est calme et où la sécurité est assurée. Le Père Antoine Chenu, curé de la paroisse d’Arlit, qui se trouve à 1000 Km de Niamey et la communauté des Petites sœurs de Jésus qui se trouve à Nguigmi à 1600 Km de Niamey, près du lac Tchad ont obéi aux consignes données par les autorités consulaires en accord avec les autorités religieuses. Partir du lieu de sa mission pour un missionnaire est toujours une décision difficile à prendre. Partir, donne l’impression culpabilisante de fuir alors que la mission pour laquelle nous sommes présents nous oblige à rester quoiqu’il arrive. A Paris, j’ai vu le film si émouvant « /Des Hommes et des Dieux/ » qui traite avec une intense profondeur le combat intérieur du missionnaire qui, fort de sa vocation, ne peut abandonner un peuple qui lui a donné tout son amour et à qui il voudrait se donner jusqu’au don ultime de sa vie. Partir, c’est rompre une alliance. Rester, c’est la consolider.
La situation présente du Niger n’est en rien comparable à celle des moines de Tibhirine. En Algérie, le peuple était en danger autant que les moines, exposé à la violence aveugle des extrémistes religieux ou militaires. Les moines sont restés par amitié avec les habitants de leur village avec qui ils ne faisaient qu’un. Au Niger, le peuple n’est pas en danger même si l’AQMI a attaqué le pays 7 fois en deux ans de différentes manières. Il s’est acharné uniquement contre les expatriés par des enlèvements répétés dont l’avant dernier en date était Michel Germaneau, l’humanitaire français, avant les 5 Français, le Malgache et le Togolais enlevés le 16 septembre dernier. Si le peuple nigérien était en danger, jamais nous n’aurions demandé aux missionnaires de quitter les lieux. Le peuple nigérien comprend et nous invite régulièrement à nous protéger contre d’éventuels ravisseurs malfaisants qui ne voient en nous que des agents des pays que nous représentons. J’ai partagé notre décision avec un ami nigérien Toubou, originaire du campement où vivent les petites sœurs. La spontanéité de sa réaction m’a réconforté : « /c’est absolument ce qu’il fallait faire sans hésiter/ ». Il reste tout de même que dans le cœur de chaque missionnaire parti, le regret de ne pas être là où la mission les avait envoyés au nom de Celui qui « /s’est fait tout à tous/ ».
Les journalistes sont nombreux dans la ville de Niamey et n’hésitent pas à venir à l’Archevêché pour grappiller la moindre information. Nous respectons leur métier si délicat mais nous leur signifions aussi qu’ils ont à respecter notre silence qui n’est pas un refus de communiquer mais une retenue affirmée et délibérée pour ne pas compromettre ceux qui ont la lourde tâche de travailler dans l’ombre pour une issue heureuse. Dans ces situations, l’information à outrance est nuisible. Une parole mal venue peut-être plus tranchante qu’une épée !
Le Niger est profondément blessé par ce qui se passe sur son territoire. On lui reproche une /« nonchalance sécuritaire/ » alors qu’il se bat et se débat à faire vivre plus de la moitié des Nigériens qui ont faim et qu’il avait en son temps averti les responsables d’Areva d’un danger probable. Le puissant groupe Areva veut sans scrupule rejeter la responsabilité sur l’Etat du Niger. La sagesse du porte parole du gouvernement nigérien a invité à plus de responsabilité : « /Il ne sert à rien de polémiquer sur le dispositif de sécurité avant les évènements. La responsabilité qui nous incombe est de faire en sorte que ces personnes soient libérées et ramenées dans leur famille./ » Nous espérons fort et nous prions sans relâche pour qu’un dénouement heureux survienne au plus vite.
Cordialement
+ Michel CARTATEGUY, archevêque de Niamey .